Le manifeste des Artisans du Logiciel est une belle déclaration. Toutefois, l’absence d’une organisation sociale adaptée distribue inéquitablement la connaissance parmi les développeurs. Cela se ressent sur l’état de notre art : nous sommes des pourvoyeurs de bugs pour le commun des mortels. Pire, le terme même d’Artisanat tend à finir comme l’Agilité : un buzzword. Ceux qui ont à cœur le bien-faire fuiront bientôt vers un nouveau mot-bannière, car ils n’ont rien appris de la déroute du précédent.
Nous préférons un logiciel bien façonné à un logiciel fonctionnel, c’est entendu. Cette distinction est presque inconnue d’une profession de plus en plus constituée d’autodidactes ou de bootcampeurs. Les titulaires de master ne sont pas mieux lotis, ceux qui ont reçu les bonnes pratiques en héritage sont nus face aux exigences d’immédiateté de leurs employeurs. Sans la protection de règles opposables, ils céderont tôt ou tard.
Répondre au changement ne suffit pas, il faut régulièrement ajouter de la valeur. C’est un art complexe où l’ignorance et la malveillance sont indétectables à court-terme par le client. Mal gérée, la complexité des logiciels aura de lourdes conséquences sur le projet, voire l’entreprise. La prévention comme la répression en la matière sont bloquées par l’absence d’experts élus par leurs pairs pouvant agir en médiation et en justice comme de véritables jurés professionnels.
La communauté des professionnels prime sur les individus et leurs interactions ? Sans aucune structure sociale pour unir les développeurs, c’est un vœu pieux. Sans institution, des groupes affinitaires se forment, chacun fragmentant la profession selon des critères qui n’ont rien de professionnel. Tout le monde y perd. Le législateur, souvent incompétent, ne trouve que des lobbys d’argent lorsqu’il doit réglementer le monde du logiciel. Un véritable corps intermédiaire, représentant équitablement le salariat, le patronat et les indépendants doit guider leurs délibérations, voire réglementer lui-même le métier.
Ceux qui souhaitent dépasser la collaboration avec leurs clients pour nouer des partenariats productifs sont parasités par la concurrence d’influenceurs et autres vendeurs de lotions miracles. Celui qui prend le temps de se former en continu, par la pratique et le savoir académique, n’est pas compétitif par rapport au charlatan. S’il est indépendant, on lui rétorquera qu’il est trop cher, au salarié on dira qu’il ne passe pas assez de temps à produire. Selon la criticité du produit, un label ou une obligation doivent certifier de l’actualisation de celui qui œuvre. La même remarque vaut pour un marché de la formation en pleine expansion, où officient nombre de médicastres.
Ces problématiques appellent à la création d’un Ordre des Développeurs. Les logiciels sont partout, code is law dit-on parfois. Lorsque le code dépasse le simple hobby, il est une activité socialement périlleuse qui doit être régulée au nom du bien commun, au même titre que les professions médicales et juridiques, les architectes, les comptables ou les activités de sécurité privée. Cet Ordre doit englober l’ensemble des professions du logiciel : développeurs, testeurs, formateurs, consultants. L’Ordre doit réunir l’ensemble des professionnels en activité, mais n’exclut pas les retraités et les étudiants, qui peuvent jouer un rôle s’ils le souhaitent.
La qualité doit devenir une norme commune, opposable et systématique, non la conséquence du hasard.
Vous pouvez signer le manifeste en envoyant votre nom (ou pseudonyme), votre poste et votre entreprise par mail.
Nous allons prochainement passer à la vitesse supérieure.
contact [at] ordre-developpeurs.fr
Initiative inspirée de la constitution de l'Ordre des Développeurs (2014-2017)